Origine de "passer à tabac"

Quelle est l'origine de l'expression?

En 1560 Jean Nicot, ambassadeur de France à Lisbonne, envoya à Catherine de Médicis, reine de France, une plante exotique qui allait beaucoup faire parler d'elle par la suite.
On l'appela "herbe à Nicot" (d'où le terme "nicotine") ou "herbe à la reine".
Mais très vite, à la fin du XVIe siècle le mot tabac apparaît, issu de l'espagnol "tabaco", emprunté lui-même à la langue des indiens Arouaks d'Haïti qui désignait non pas la plante mais un tuyau recourbé servant à l'inhalation de la fumée du tabac.

Le succès devint fulgurant. Mais les Français ne le fumaient pas au XVIIe siècle : ils le "prenaient" et plus tard ils le "chiqueront". Le tabac à priser se présentait sous la forme d'une dose déposée sur le dos de la main, poing refermé, que l'on portait au nez avant de l'inhaler. Et si l'on en offrait à son voisin, on faisait la même chose, mais sous le nez du bénéficiaire. Ce geste, poing refermé, bras tendu, en direction du nez de la personne placée en face de soi ressemble, si l'on accélère le mouvement, à un coup de poing en pleine figure. Dès lors, l'expression "donner du tabac" apparut qui voulait dire : "se battre".

Molière joue sur le double sens du mot tabac dans sa pièce "Dom Juan", s'émerveillant que les Français soient si prompts à "donner du tabac", les présentant comme généreux et aimables d'en offrir à leurs voisins alors qu'en réalité... ils distribuent des gnons. 

On ne sait pas exactement comment s'est fait le croisement entre "tabac" (coups) et le verbe occitan "tabassar" (frapper à coups redoublés) qui a donné en français "tabasser", et son voisin "tabustar", (secouer, molester), dont le substantif "tabust" veut dire : " tapage, vacarme, querelle", à l'origine de l'expression maritime "un coup de tabac" (mauvais temps, tempête soudaine).

Le tabac dans le sens de "vacarme" est passé du vocabulaire des marins à celui des acteurs de théâtre, car entre le vacarme de l'orage et le tonnerre d'applaudissements la ressemblance est... frappante. "Faire un tabac", pour une pièce de théâtre, c'est enregistrer un beau succès. Du reste, un grand nombre de termes techniques de la machinerie du théâtre sont directement empruntés au vocabulaire de la marine.

Revenons à notre tabac dans le sens de "coups". Comment est-on passé de "donner du tabac" (se battre) à "passer à tabac"?
C'est à cause de la deuxième façon de le consommer évoquée plus haut : on chique du tabac. La chique forme une boule que l'on mastique et qui gonfle la joue, comme un abcès. Victor Hugo indique qu'au XVIIe siècle, se battre, c'était se "donner du tabac", et au XIXe siècle, c'était se "chiquer la gueule". 

D'ailleurs "se chiquer" (et plus tard "se chicorer") est passé dans l'expression populaire pour dire "se battre".

Quand on reçoit des coups, les ecchymoses produites virent en quelques heures du rose au rouge puis au brun roussâtre... couleur tabac!

Passer à tabac, après ce long périple d'explications, signifie donc infliger à un visage ou un corps des plaies et boursouflures qui vireront très vite à la couleur tabac!

Je suis contraint par la règlementation en vigueur de conclure que fumer nuit gravement à la santé!

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