Vent Glacial sur Sarajevo de Guillaume Ancel

Vent glacial sur sarajevo

Bonjour à tous,

Mon avis sur le livre « Vent Glacial sur Sarajevo », de Guillaume Ancel, les Belles Lettres, Mémoires de guerre.

Cet ouvrage est vraiment particulier, car il est écrit par un militaire, témoin et acteur direct des évènements de Sarajevo en 1995 auxquels je me suis intéressé dans mon livre « Cinq siècles à Rebours ».

Par des témoignages de Légionnaires amis, j’avais déjà eu vent du malaise, de l’incompréhension, de l’amertume, de l’humiliation, et finalement de la révolte intérieure qu’a suscité l’attitude de ceux qui ont décidé et géré cette intervention au mépris de toute considération pour les acteurs de terrain qui y risquaient leur réputation et surtout leurs vies.

« Vent Glacial sur Sarajevo » me donne infiniment plus de détails, de faits authentiques documentés, au plus près des combats, et conforte l’implacable vérité que la haute politique a cherché à camoufler coûte que coûte.

Sous l’apparence d’une intervention humanitaire, pacificatrice, susceptible de recueillir l’aval de l’opinion publique, se cachait une volonté de ne rien faire contre les agresseurs Serbes, au prix du sacrifice de l’honneur, de la réputation, et pire, de la vie des soldats engagés et enchaînés à une doctrine assassine qui faisait d’eux non des combattants mais des pantins et des cibles.

J’en éprouve un immense malaise, car par quelque bout qu’on le prenne, c’est, à travers les décisions des politiques de haut rang, de la France dont il s’agit, de la France qu’on jugera dans l'Histoire, impuissante, faible, paralysée par l’inaction, à travers ceux qui la servent et la défendent au premier rang.

Mais fallait-il que les acteurs de ce drame nous cachent la vérité, pour préserver l’image d’une France moralement irréprochable ? Le capitaine Guillaume Ancel a répondu à cette question en écrivant « Vent Glacial sur Sarajevo », comme mes amis Légionnaires l’ont fait en osant parler. Et c’était la bonne solution, car la vérité finit toujours par émerger des couches de mensonges qu’on déverse sur elle.

Sur le livre lui-même :

J’ai apprécié au-delà de la rigueur toute militaire de l’auteur, sa profonde humanité, ou l’humour n’est pas absent :

on y apprend notamment qu’on peut être au milieu des combats, au fond d’un PC bunkérisé et qu’un officier se passionne pour « Alerte à Malibu » au point de n’en rater aucun épisode…

Et puis il y a l’horreur, page 51, quand un légionnaire slovaque avoue avoir été approché par les Serbes avant d'entrer dans la Légion, pour devenir un mercenaire sniper, et que la prime par tête abattue est d’autant plus élevée qu’il s’agit d’une femme, ou mieux, d’un enfant… Il choisira de dégommer gratuitement ce genre de criminels en entrant dans la Légion. Ouf !

P150, je suis sceptique : Voyons, voyons, qui peut bien être ce philosophe français que l’auteur nomme « Bernard Michel » qui arrive en jet privé sur l’aéroport de Sarajevo, avec une cohorte de cameramen pour repartir aussitôt après une séance photos ? Je ne vois pas du tout… Une belle mise en scène, qui montre qu’on peut être adulé et promu dans les médias et n’avoir strictement aucun scrupule. Sans doute les lecteurs plus futés que moi auront deviné de qui il s’agit…

Et puis il y a la plongée dans l’angoisse, les chapitres se succèdent, on est tenu en haleine, chaque fois, on la sent, cette fois c’est la bonne, ils vont se défendre, ils vont frapper : les pilotes de Mirage 2000, de F15, les A10 blindés vont larguer leur satanées bombes sur l’artillerie Serbe, guidée au sol par l’équipe de la TACP (tactical air control party) que dirige le capitaine Ancel (l’auteur)…Et finalement non, mission avortée, au dernier moment, et les justifications se font de plus en plus laborieuses, de moins en moins défendables, jusqu’à la prise d’otages des légionnaires…

Le malaise du lecteur s’accentue, jusqu’à la nausée. La honte et la révolte.

Jusqu’à ce moment où passant outre les ordres iniques, le capitaine Ancel tente l’impossible : faire raser la zone qui sépare un groupe de légionnaires qui a reçu un ultimatum de leurs assiégeants Serbes, afin de les dissuader de passer à l’action. Ordre avorté par le haut commandement, qui rappelle les avions. C’est de la désobéissance caractérisée… Mais l’ordre d’abandon est impossible à justifier par écrit…

Cela appelle une question : même si le capitaine Ancel a évité le conseil de guerre, ses camarades lui prédisent des représailles sur sa carrière. Or nous savons qu’il a fini sa carrière militaire avec le grade de Lieutenant-Colonel. Donc il a été promu Commandant puis Lieutenant-Colonel. Je suppose donc qu’il n’y a pas eu de représailles… À moins que l’astucieux capitaine, qui a plus d’un tour dans son sac, n’ait encore trouvé la parade. On l’espère du moins.

Je le répète, on sent bien dans le récit que c’est un militaire qui écrit, précis, factuel, mais aussi un homme, très humain, et cela prouve à ceux qui se feraient une image fausse, que les militaires ne sont pas des machines.

Les chapitres courts se succèdent, dans un calendrier tragique, jour après jour.

Ce n’est pas un roman, c’est un témoignage.

Jean Notary

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