Miroir de nos peines, de Pierre Lemaitre

Miroir de nos peines

Mon avis sur le livre « Miroirs de nos peines » de Pierre Lemaître

Mai-Juin 1940 : voilà huit mois que la France est en guerre avec l’Allemagne nazie, et sur le front, rien ou presque ne s’est passé : les Français attendent les Allemands, à l’abri du moins le croient-ils, de la ligne Maginot, un réseau de fortifications souterraines impressionnantes censées les arrêter. Mais la ligne n’est pas complète, présente des failles. Peu importe pour l’État-Major, si les Allemands passent par la Belgique comme en 14, le gros de l’armée française s’y portera pour les arrêter, et la forêt des Ardennes est, d’après tous les experts, infranchissable aux chars…

Oui mais voilà, les Allemands font mine de passer par la Belgique et les Français s’y précipitent, tombant dans le piège. Car les panzers allemands, concentrés en un seul point, traversent bel et bien la forêt des Ardennes, à la charnière du dispositif de défense français, qui n’offre ici aucune réelle résistance.

C’est le désastre.

Le Blitz Krieg (en français, la guerre éclair) se déchaîne, l’armée française est coupée en deux, entre ceux qui sont en Belgique et ceux qui sont coincés dans la ligne Maginot. La route de Paris est ouverte. Toute résistance est écrasée, en trois semaines on compte déjà cent mille morts chez les Français.

Le peuple français, terrorisé par les bombardements, se jette sur les routes, fuyant vers le Sud, en voiture, en charrettes, à pied. Les familles emportent des matelas, des ustensiles de cuisine, tout ce qu’ils peuvent pour survivre ailleurs.

Les chasseurs de la Luftwaffe les mitraille, on se jette dans les fossés, les convois sont détruits, hommes, femmes, enfants, meurent sur la route, sur le bas-côté, dans les champs alentours, fauchés par les tirs des Messerschmitt.

Les familles sont décimées, les orphelins sont arrachés aux cadavres de leurs parents par quelques âmes charitables qui n’ont que quelques minutes pour décider de les emmener avec elles dans leur fuite.

C’est le chaos, l’horreur, la tragédie humaine.

Dans ce contexte historique rarement décrit à ce niveau de vision, celui du sol, celui des témoins, des victimes, s’inscrit le roman de Pierre Lemaître.

Et comme toujours chez lui, le récit est fluide, riche de situations et de détails qui nous plongent entièrement dans l’atmosphère du livre, où la tragédie côtoie l’inventivité et la drôlerie, la vie et la mort. Pierre Lemaître est un romancier astucieux.

Louise, Jules, Fernand, Alice, Raoul, Gabriel sont les héros de ce roman qui mêle leurs histoires familiales personnelles avec la Grande Histoire où se révèlent les caractères. Car rien n’est comparable à une période de guerre, surtout quand elle est perdue, pour évaluer la profondeur des sentiments, la force ou la faiblesse, les vertus et les vices préexistants des individus.

Entre courage et lâcheté, générosité et égoïsme, les choix faits dans ces circonstances disent la vérité de ce que l’on est, pas ce que l’on montre ou croit être. Les apparences meurent, les vêtements convenus disparaissent, la nudité s’impose, dans toute son impudeur.

En cela les personnages de Pierre Lemaître sont très attachants, remarquables ou imparfaits, en bref, ils sont humains.

Je vous encourage donc à lire ce très beau roman, un de plus, de Pierre Lemaître, après « Au revoir Là-haut » et « Couleurs de l’incendie » pour terminer cette magnifique trilogie.

Bonne journée à tous

Jean Notary

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