Le jour ne se lève pas pour nous de Robert Merle

Le jour ne se le ve pas pour nous

Mon avis sur "Le jour ne se lève pas pour nous" de Robert Merle (Poche).

Bonjour à tous,

Ne vous fiez pas à la couverture ni même au titre : nous ne sommes pas en présence d'un thriller politico-stratégique, une fiction sur la guerre froide ou celle à venir.

Pourtant la couverture évoque "Octobre rouge", ou "Le chant du Loup", voire "La somme de toutes les peurs", trois films très réussis quand on aime se faire peur et penser à la terreur qu'inspirent les scénarios d'utilisation des armes nucléaires.

Mais il n'en est rien. Bien sûr, l'action de ce livre se situe à l'intérieur d'un SNLE (sous-marin nucléaire lanceur d'engins) de la force nucléaire stratégique française, sur une durée d'un peu plus de deux mois sous la mer.

Ce n'est pas un documentaire, à peine un roman, peut-être davantage un témoignage, un récit-reportage, plutôt enjoué, d'un médecin embarqué pour la première fois à bord de ce maillon essentiel à la dissuasion française, en l'occurrence le sous-marin français "l'Inflexible", en 1986.

Et l'on découvre un univers (forcément restreint) des sous-mariniers, une mini société (sans femmes), où les hommes quel que soit leur grade se retrouvent solidaires et très proches les uns des autres, non seulement physiquement, mais aussi moralement, investis dans des tâches qui sont toutes essentielles.

Pacha, Second, officiers, techniciens, boulanger, cuisinier, infirmier, chargés du ménage, de l'entretien des machines, de la gestion de l'air et de l'eau, des poulaines (les WC), tous savent qu'ils ne peuvent rien faire les uns sans les autres, et qu'ils doivent gérer la promiscuité, l'attente, l'absence des êtres chers pendant les deux mois que durent une "marée" (une patrouille pour les marins).

Avec en tête, chacun à sa place, la nécessité absolue du silence, de la furtivité, et de la responsabilité au cas où un message de riposte atomique, envoyé par ondes ultra-longues par le Président de la République, leur intimerait l'ordre de libérer le feu nucléaire.

Rappelons au passage que chacun de nos SNLE porte dans ses flancs, 16 missiles nucléaires supersoniques à 6 têtes, représentant une force de frappe équivalente à 9600 tonnes de TNT soit 480 fois la seule bombe tombée sur Nagasaki (20 tonnes de TNT) et qui fit d'après les estimations, 80.000 morts et bien d'autres blessés. (Hiroshima c'était moins, 12 tonnes de TNT). Faites le calcul, par extrapolation, cela ferait 38.400.000 morts potentiels, et nous avons trois SNLE en permanence sous les mers...

C'est dire l'enjeu pour ces 130 sous-mariniers, sur lesquels repose le principal de notre dissuasion nucléaire.

Le regard apporté par le médecin du bord, novice en la matière, et qui cherche à en savoir plus (et à qui l'on dit ce que l'on peut dire et rien de plus) est très intéressant.

Ne croyez pas qu'il règne à bord une atmosphère d'angoisse permanente. Pas du tout. Une mini-société plutôt joyeuse s'installe, le temps d'une "marée", sans laquelle cette mission à hauts-risques ne pourrait pas se faire.

Le livre est plein d'humour, d'anecdotes, et on s'attache à ces sous-mariniers. On apprend aussi beaucoup de choses.

Ce que je retiens, c'est bien sûr le style délicieux du grand Robert Merle, écrivain d'une érudition époustouflante, pour nous décrire un monde finalement très humain et tout à fait méconnu.

"Le jour ne se lève pas pour nous" s'explique finalement très bien au regard des contraintes de discrétion de ses hommes hors-du-commun.

Une bonne lecture pour tous.

Bonne journée

Jean Notary

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