Le chemin des estives de Charles Wright

Le chemin des estives

Mon avis sur "Le chemin des estives" de Charles Wright, éditions "J'ai Lu".

(Prix littéraire Europe 1-GMF, Prix de la Liberté intérieure 2021).

Bonjour à tous,

Écrivain et Journaliste, Charles Wright, animé par une quête de sens, attiré par une vie spirituelle en rupture avec le monde matériel qui surveille les individus en permanence, les harcèle de technologie et de publicités, les enchaîne à des besoins créés de toute pièce, décide d'entrer au noviciat des Jésuites, pour se détacher de "ce monde-là".

Mais ne devient pas Jésuite qui veut. Il faut, avant de prononcer ses voeux, passer par le noviciat, qui impose de surmonter l'épreuve du "mois mendiant", lequel consiste à partir sans le sou par les chemins, durant tout un mois justement.

Quand vous ne savez pas où vous allez dormir chaque nuit ni si vous allez manger ou boire pendant la journée, et que l'un et l'autre dépendent de la générosité d'autrui, votre vie change radicalement.

Il vous faut aller vers des inconnus, leur avouer votre dénuement, leur demander de l'aide. Si vous pensez que c'est simple, c'est que vous l'avez déjà fait ou bien que vous vous surestimez.

Ajoutez à cela l'obligation de marcher 25 à 30 kms par jour, pendant un mois, en partant d'Angoulême jusqu'en Ardèche à travers le Massif Central (en été), vous aurez une petite idée de l'épreuve radicale affrontée par l'auteur qui nous livre le récit de ses rencontres, de ses doutes, de ses "souffrances" (physiques et morales).

Mais ce n'est pas fini : il faut partir à deux, et l'on ne choisit pas son partenaire pour vivre cette expérience extrême. Aux épreuves précitées, s'ajoute donc celle de partager son quotidien, son intimité, dormir quelquefois à la belle étoile, avec un parfait inconnu, même si celui-ci est animé par le désir de réussir lui aussi son apprentissage.

L'auteur nous offre le récit en détail, avec à la fois humanité et humour, du quotidien vécu pendant ce mois d'efforts incessants, et la joie qu'il a éprouvé au contact de ces Auvergnats souvent généreux, croyants ou athées, qui ont offert leur hospitalité, le couvert et parfois le gîte à ces deux mendiants en pèlerinage.

Il a aussi découvert une formidable connivence avec la Nature, avec ses volcans, ses forêts, ses prairies, et les animaux, particulièrement les vaches. Car les deux compères ont emprunté le GR4, qui traverse des paysages grandioses.

Il a emprunté "le chemin des estives", (terme qui désigne à la fois les pâturages et la période pendant laquelle les vaches gagnent les plateaux pour l'été), avec trois soutiens "psychologiques" : son compagnon de noviciat, Benoît, avec qui il dialoguait constamment, et deux disparus : le poète rebelle Arthur Rimbaud, dont il portait les œuvres dans son sac à dos, et le père Charles de Foucauld, deux hommes remarquables qui ne tenaient pas en place mais cherchaient inlassablement un sens à leur vie sur les chemins.

Ces deux célèbres errants qui s'ouvraient aux autres en s'effaçant eux-mêmes étaient comme deux fantômes qui l'accompagnaient dans sa méditation et l'aidaient à tenir. Il y fait très souvent référence.

Le récit est très beau, contemporain (2020), très inspirant, et nous questionne. N'avons-nous pas rêvé de tout lâcher, de nous mettre en danger, pour nous ressourcer radicalement?

En lisant ce livre, vous partirez un peu à l'aventure. Et nul n'est besoin d'aller au bout du monde : le Massif Central est en France notre paradis de Nature, notre part de désert, de vieilles pierres abandonnées, où les vaches sont plus nombreuses que les hommes. Mais ceux qui y vivent encore vous réconcilient bien souvent avec le genre humain.

Ce livre m'a rappelé l'excellent "Immortelle randonnée", de Jean-Christophe Rufin, ancien ambassadeur et écrivain, qui racontait dans son livre son "chemin de Compostelle", où, transformé en clochard, il parcourut à pied des centaines de kilomètres à travers les Pyrénées et le Pays Basque jusqu'au sanctuaire.

Je ne vous dirai pas si Charles Wright a décidé de poursuive cette expérience spirituelle en entrant en religion, vous le découvrirez dans l'épilogue !

Bonne lecture !

Jean Notary

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