Sébastien-Roch Nicolas Chamfort, de l'Académie française, 1741-1794
poète, journaliste et moraliste français
NDLR Tout le monde s'accorde à penser que Sébastien Chamfort était un enfant naturel. Pour certains, il serait l'enfant naturel de Jacqueline de Montrodeix, née Cisternes de Vinzelles, et de Pierre Nicolas un chanoine de la cathédrale Notre Dame de Clermont-Ferrand. Il aurait été adopté par François Nicolas, épicier, parent de Pierre Nicolas, et sa femme Thérèse Creuset (ou Croizet) qui auraient (d'après Joseph Epstein) perdu leur propre enfant né le même jour que lui. Toujours est-il qu'il est un enfant naturel. Boursier, il intègre le collège des Grassins sur la montagne Sainte-Genevière à Paris, où il remporte les premiers prix de l'Université. Brillant et fantasque à la fois, il fait une fugue, dans le but d'accompagner un ami en Amérique, mais revient et il lui est permis de finir ses études. Puis il prend le nom de Chamfort à la place de Nicolas. Il écrit dans le "journal encyclopédique" et le "vocabulaire français", obtient des prix de poésie et donne des comédies au Théâtre Français qui le font remarquer par le Prince de Condé qui en fait un secrétaire de ses "commandements". Introduit dans le monde il devient un secrétaire de Madame Élisabeth, sœur de Louis XVI. Initié à la Franc-Maçonnerie, il est élu à l'Académie Française en 1781. Cette même année il entame une liaison avec la veuve du médecin du Comte d'Artois, Anne-Marie Buffon, l'amour de sa vie, avec qui il s'installe au printemps 1783 dans un manoir appartenant à madame Buffon. Mais celle-ci meurt brutalement le 29 août suivant, et le laisse inconsolable. Il écrira pour elle ces mots, "à celle qui n'est plus".
Dans ce moment épouvantable,
Où des sens fatigués, des organes rompus,
La mort avec fureur déchire les tissus,
Lorsqu'en cet assaut redoutable
L'âme, par un dernier effort,
Lutte contre ses maux et dispute à la mort
Du corps qu'elle animait le débris périssable ;
Dans ces moments affreux où l'homme est sans appui,
Où l'amant fuit l'amante, où l'ami fuit l'ami,
Moi seul, en frémissant, j'ai forcé mon courage
À supporter pour toi cette effrayante image.
De tes derniers combats j'ai ressenti l'horreur ;
Le sanglot lamentable a passé dans mon cœur ;
Tes yeux fixes, muets, où la mort était peinte,
D'un sentiment plus doux semblaient porter l'empreinte ;
Ces yeux que j'avais vus par l'amour animés,
Ces yeux que j'adorais, ma main les a fermés !
Il contracte la Syphilis, et cette maladie gâchera le restant de son existence et influera sur son œuvre en lui donnant un ton mélancolique et misanthrope. En 1795, un ami, Pierre-Louis Guinguené publiera ses notes manuscrites sous le titre "Maximes et Pensées, Caractères et Anecdotes".
À la Révolution, il est d'abord enthousiaste, applaudit à la prise de la Bastille. Éminence grise de Mirabeau et Talleyrand, il écrit pour eux, rejoint le club des Jacobins, est nommé bibliothécaire à la Bibliothèque Nationale, et appelle à la radicalisation de la Révolution. Il ne parvient pas à se faire élire à l'Assemblée Nationale, et commet l'erreur de se réjouir en privé de la mort de Marat. Il est dénoncé. Ses appuis parmi les hautes personnalités de la Révolution lui permettent d'écourter un séjour en prison, mais menacé d'une seconde arrestation, et terrorisé par l'idée de retourner en cellule, il tente alors de se suicider sans y parvenir : Il se tire une balle dans le visage, qui lui fracasse la mâchoire et lui fait perdre son nez, mais ne se tue pas; il s'empare alors d'un coupe papier pour s'égorger mais rate l'artère; il s'en prend alors à sa poitrine puis ses jarrets sans plus de succès. Il s'évanouit, est retrouvé par son valet baignant dans une mare de sang mais on parvient à le sauver par une intervention chirugicale. Très affaibli, il apprend que les poursuites contre lui sont abandonnées. Son suicide raté a quelque chose de pathétique; il lui laissera de graves séquelles dont il ne se remettra pas et il mourra d'une affection opportuniste quelques mois plus tard.
"En vivant et en voyant les hommes, il faut que le coeur se brise ou se bronze".
"Un homme d'esprit me disait un jour : que le gouvernement de la France était une monarchie absolue tempérée par des chansons".
Caractères et Anecdotes
"Il semble que, d'après les idées reçues dans le monde et la décence sociale, il faut qu'un Prêtre, un Curé croie un peu pour n'être pas hypocrite, ne soit pas sûr de son fait, pour ne pas être intolérant. Le Grand Vicaire peut sourire à un propos contre la Religion, l'Êvêque rire tout à fait, le Cardinal y joindre son mot".
"Il y a des sottises bien habillées comme il y a des sots très bien vêtus".
"La plus perdue de toutes les journées est celle où l'on a pas ri".
"Quand on veut plaire dans le monde, il faut se résoudre à apprendre beaucoup de choses qu'on sait, par des gens qui les ignorent".
"L'amour est comme les maladies épidémiques : Plus on les craint, plus on y est exposé".
"En France, on laisse en repos ceux qui mettent le feu et on persécute ceux qui sonnent le tocsin".
Maximes et Pensées
"Quand il se fait quelque sottise publique, je songe à un petit nombre d'étrangers qui peuvent se trouver à Paris, et je suis prêt à m'affliger, car j'aime toujours ma patrie".