NDLR : Comte de Bussy, Lieutenant Général des armées de Louis XIV, écrivain épistolaire, pamphlétaire, satirique et libertin et membre de l'Académie Française! Le cumul peut s'admettre quand il s'agit des talents. Il est cousin de Madame de Sévigné qui deviendra l'écrivaine bien connue. Il commence sa carrière militaire en reprenant le commandement du régiment de son père, puis servira à la tête d'un régiment dépendant du Grand Condé, et participera à divers engagements contre les Espagnols, au tout début du règne de Louis XIV encore mineur. Tenté par la Fronde, il se rallliera au jeune roi, et en sera récompensé par cette nomination au grade de Lieutenant général, mais ne sera jamais fait Maréchal de France, en raison de son irrépressible tentation d'écrire des pamphlets mordants et médisants à l'égard des hauts personnages de l'armée et de la Cour, comme Turenne, qui le prive des appuis nécessaires. Ses frasques, ses provocations, ses imprudences, sa vanité l'éloignent de la Cour; il est exilé par Mazarin dans ses terres de Bourgogne où, incorrigible, il écrit "l'Histoire amoureuse des Gaules", un pamphlet féroce qui dépeint les mœurs dissolues de la Haute Noblesse de France. Copié et publié par l'intrigante marquise de la Baume, ses textes se diffusent et font scandale, mais le jeune Roi Louis XIV s'en amuse, et ce brillant esprit entrera à l'Académie Française en 1665. Mais la très dévôte Anne d'Autriche, mère du roi, rancunière, arrachera à son fils l'embastillement puis l'exil du trublion, qui passera dix sept ans dans son château de Bussy, dans l'amertume et le sentiment d'une sanction excessive et imméritée. Il écrit alors ses mémoires, et près de cinq cents portraits des gens de la Cour, toujours avec esprit et causticité. Après la mort de sa mère, Louis XIV pardonne ses excès en 1683 et le rappelle, l'autorisant, insigne honneur, à assister à son lever. Mais il reçoit à la Cour un accueil tellement glacé qu'il retourne dans ses terres pour y finir sa vie. Le roi lui montre alors son pardon sincère et son amitié en lui accordant une pension de 4000 livres par an, toujours amusé par les écrits corrosifs de Bussy, et n'étant pas dupe de ses courtisans.
"Quand on n'a pas ce que l'on aime, il faut aimer ce que l'on a"
Correspondance à Madame de Sévigné, 23 mai 1667
"L'absence est à l'amour ce qu'est au feu le vent : il éteint le petit, il allume le grand".
Cette maxime est très proche de celle de La Rochefoucauld
(voir sa fiche)
"Que les apparences soient belles, car on ne juge que par elles"
"Il y a dans ce monde deux sortes de gens qui me déplaisent particulièrement: les premiers sont les peintres, lesquels, n'ayant jamais pu inventer ni composer d'assez vives couleurs pour faire des yeux à l'Amour, se sont mis en tête de nous le représenter comme aveugle. Et de fait, ils croient avoir fait des merveilles, d'avoir donné lieu à ce commun, mais faux proverbe: "L'amour est aveugle". Il me semble plus juste de dire que le bandeau dont ils lui couvrent le front sert encore à couvrir leur ignorance, parce que tous leurs efforts n'auraient jamais pu faire des yeux à ce dieu, qui eussent seulement approché de la vivacité ni du brillant éclat dont les siens sont formés. Et si (comme les ignorants tâchent de nous le persuader) il ne voyait goutte, comment se serait-il assujetti tant d'esprits qui vivent sous ses lois? Aurait-il pu, sans yeux, étendre son empire sur toute la Terre?"
Histoire amoureuse des Gaules
Belle photo du château de Bussy-Rabutin, par "Arnaud 25"
Extrait du portrait d'Henri de Turenne, grand général du roi Louis XIV, par Roger de Rabutin Comte de Bussy :
"Henry de La Tour, vicomte de Turenne, était un homme entre deux tailles, large d'épaules, lesquelles il haussait de temps en temps en parlant : ce sont de ces mauvaises habitudes que l'on prend d'ordinaire faute de contenance assurée. Il avait les sourcils gros et assemblés, ce qui lui faisait une physionomie malheureuse. (En un mot, il n'avait point l'air d'un héros, quoi qu'il en eût l'âme.)
Il s'était trouvé en tant d'occasions à la guerre qu'avec un bon jugement qu'il avait et une application extraordinaire au métier, il s'était rendu le plus grand capitaine de son siècle.
A l'ouïr parler dans un conseil, il paraissait l'homme du monde le plus irrésolu ; cependant, quand il était pressé de prendre son parti, personne ne le prenait ni mieux ni plus vite.
Son véritable talent, qui est à mon avis le plus estimable à la guerre, était de bien soutenir une affaire en méchant état. Quand il était le plus faible en présence des ennemis, il n'y avait point de terrain d'où par un ruisseau, par une ravine, par un bois ou par quelque éminence, il ne sût tirer quelque avantage.
Jusqu'aux huit dernières années de sa vie, il avait été plus circonspect qu'entreprenant ; mais voyant que la témérité était à la mode, il ne se ménagea plus tant qu'il avait fait ; et, comme il prenait mieux ses mesures que les autres, il gagna autant de combats qu'il en donna.
Sa prudence venait de son tempérament et sa hardiesse de son expérience.
Il avait une grande étendue d'esprit, capable de gouverner un Etat aussi bien qu'une armée. Il n'était pas ignorant des belles-lettres ; il savait quelque chose des poètes latins et mille beaux endroits des poètes français ; il aimait assez les bons mots et s'y connaissait fort bien.
Il était modeste en habits et le paraissait même en expressions à ceux qui n'y faisaient pas assez d'attention ; mais il avait dans le coeur une vanité sans égale.
Il s'était fait des manières de parler toutes particulières pour satisfaire à cette passion. Quand il avait commencé un discours par : "je ne sais si j'oserais vous dire", il en disait des merveilles ; et parce que cela lui paraissait choquer la modestie qu'il affectait si fort, il disait, par exemple, en parlant de lui : "Je vous assure que quand on était jeune, on faisait fort bien cela." Il se traitait à la troisième personne afin de se pouvoir louer comme l'aurait fait quelque autre. Il parlait peu, il écrivait mal"(...)
On comprend mieux pourquoi Bussy Rabutin , si expert à décrire ses contemporains, si libre de parole, s'attirait des ennemis puissants comme le grand Turenne qui par vanité et susceptibilité, bloqua sa nomination au grade de Maréchal de France